Les Fantômes de Hiroshima

 

Akihiro, réalisateur japonais, vient de Paris, où il vit, interviewer à Hiroshima des survivants de la bombe atomique. Profondément bouleversé par ces témoignages, il fait une pause et rencontre dans un parc une étrange jeune femme, Michiko. Petit à petit, il se laisse porter par la gaieté de Michiko et décide de la suivre pour un voyage improvisé à travers la ville, jusqu’à la mer.

Venu du documentaire, Jean-Gabriel Périot signe avec cette fiction une histoire qui oscille entre réalité et rêve. Entre le réalisateur et la ville martyre, c’est une histoire ancienne. Il y avait vécu un été en 2006 pour les recherches de  200 000 fantômes, un court-métrage documentaire autour de la mémoire de la bombe, très original sous la forme d’un diaporama de dix minutes, et qui est diffusé avant ce long métrage. Il confie : « Ce deuxième film sur Hiroshima provient du désir de me confronter de nouveau à l’histoire tragique de la ville mais, cette fois, par le biais de la fiction. Dans ce film, le personnage principal rencontre, sans le savoir, un fantôme qui va lui apprendre à se défaire de ce qui l’entrave jusqu’à faire l’expérience de quelque chose qui ressemblerait au bonheur. »

Même s’il est extrêmement bien joué, ce film peut dérouter le spectateur par son rythme, par cette frontière ténue entre la réalité et le rêve. Et pourtant, Michiko (le jeu d’Akane Tatsukawa est d’une étonnante grâce)  insuffle par son sourire, les éclats de sa voix, son rire, une gaieté de vivre dans ce récit sur la mémoire.

Et, sans conteste, un des moments le plus fort du film, est l’ouverture avec la séquence de témoignage d’hibakusha (une survivante de l’explosion) qui raconte avec des mots simples et un doux sourire les mois terribles qu’elle a connus. Évoquant les nombreux témoignages qu’il a recueillis pour construire son scénario, Jean-Gabriel Périot  souligne : « « Ils les concluent souvent par le devoir que nous aurions de profiter de nos vies. Évidemment, il n’y a aucune naïveté dans ce qu’ils entendent par là. Ils ont eu à traverser de telles atrocités… Ils ont fait l’expérience concrète de la fragilité des choses et c’est surtout cela qu’ils expriment : quand on réalise que la vie est précieuse alors on peut commencer à lutter contre ce qui la détruit, le nucléaire bien sûr, mais pas seulement. C’est un discours éloigné de ce que l’on entend habituellement par « devoir de mémoire » et qui sous-tend l’idée que nous devrions porter en nous les souffrances du passé comme nous porterions un fardeau ou une dette. Le discours des survivants de Hiroshima nous portent vers une certaine idée de la résistance. »

En suivant le périple de ce réalisateur partagé entre deux cultures, Jean-Gabriel Périot nous invite à un voyage onirique non dénué de charme et qui pose de manière subtile la question de l’utilité des armes atomiques et des traumatismes qu’elles provoquent.

 

Travelling
15 août 2017
travellingue.wordpress.com/2017/08/15/hiroshima-ou-leternelle-blessure/